« L’art aide à canaliser la passion, sinon, on élimine l’autre. MAIS VIVRE SANS PASSION, C’EST LA MORT… »
Interviewer Hélène Lily Burstin, c’est s’entretenir avec une femme au parcours « extraordinaire », riche de rencontres tout au long de sa vie, une artiste et une intellectuelle dans le plus pur sens de ce terme, multiculturelle, universaliste et humaniste. Il est rare d’avoir la chance de croiser cet archétype de femme, de Personnage même ! Sa poésie est comme elle.
UP – « Parlez-nous un peu de vous : qui êtes-vous ? Êtes-vous écrivain à plein temps ou avez-vous eu d’autres activités ? Quelles sont vos influences littéraires et artistiques ?
HLB – Je suis née en 1947 en Uruguay, à Montevideo, d’un père argentin et d’une mère roumaine, influencés eux-mêmes par la culture d’Europe centrale de leurs parents. J’ai passé mon enfance en Uruguay et en Argentine et fait mes études au Lycée Français, immergée dans un milieu culturel (littérature, théâtre, musique) très fort, depuis ma plus tendre enfance. Mes études supérieures se sont déroulées en Argentine et en France (Ecole normale Supérieure, Ecole Supérieure des Beaux Arts de Buenos Aires, Ecole du Louvre, Ecole de Hautes Etudes en Sciences Sociales, Sorbonne). En Argentine, j’ai été professeur de lettres à plein temps, en marge de mon expression artistique : écriture, photo, peinture, sculpture. En France, mes études linguistiques et sociales m’ont orientées naturellement vers le consulting en ressources humaines. Ces professions ne m’ont pas retenue. L’appel des lettres et des arts s’est imposé envers et contre tout.
Ensuite, je me suis partagée entre les deux continents, jusqu’à la Guerre des Malouines en 1982, où je suis venue vivre complètement en France. Pour schématiser : mon éducation, c’est l’Uruguay ; la culture, c’est la France ; l’Argentine, c’est ma jeunesse et mon éveil.
L’écriture a débuté, en fait, par la bande dessinée : je dessinais sur des bandelettes de papier glissées dans les boites de pénicilline de ma grand-mère ! J’avais déjà envie de raconter des histoires. En fait, j’ai vraiment commencé à écrire à 9 ans. J’écrivais aussi bien en espagnol qu’en français, comme toujours, aujourd’hui, cela permet d’exprimer des sentiments différents, chaque langue l’exige. J’écris parfois des poèmes en anglais.
Parmi les auteurs qui ont beaucoup compté, Jean Tardieu a été le plus important, il est d’ailleurs devenu un ami et un complice. Sacha Guitry, – cousin par alliance de ma marraine, femme extraordinaire et proche, qui fut mon guide littéraire et artistique -, reste aussi un maître en écriture pour moi, même si je suis très féministe : c’est une écriture et une pensée d’une grande élégance !
Ma vie a été émaillée de rencontres décisives et émulatives dans mon parcours de femme, d’écrivain, d’artiste : Michel Laclotte, Pierre Francastel, Jacqueline de Romilly, mais aussi Paco Ibáñez, Julio Cortázar …j’ai eu le bonheur de croiser tant de personnes sublimes tout au long de ma vie ! Le Destin plus que le hasard m’a donné cette chance : c’est de la synchronicité. Si l‘on fait une métaphore par rapport aux constellations : chaque étoile est unique, mais en suivant le tracé qui les lie, on découvre une figure, un maillage entre elles. Enfin, j’ai tout de même laissé passer beaucoup d’opportunités de rencontres. Il faut avoir une certaine confiance en soi pour les poursuivre : on se sent plus petit que l’autre ou on ne s’autorise pas, j’aurais dû, j’aurais pu, j’aurais dû dire, faire, mais je n’ai pas fait…C’est ainsi, la vie est un champ de fleurs, j’en ai cueilli quelques-unes, mais pas toutes, j’en ai laissé pour les autres !
Qu’est-ce qui vous a poussée au départ à écrire « Malvoisie » et « Alicante », deux recueils de poésie ? Quels sont vos projets d’écriture ?
J’ai écrit ces deux ouvrages…partout ! Du milieu de l’océan à la ligne C du RER entre autre ! Ecrire de la poésie était une évidence. Jeune, j’écrivais déjà de la poésie. La « voix poétique » me permettait de raconter les moments forts, décisifs, de la vie. Le roman pouvait être une façon de l’exprimer, mais j’ai préféré proposer des moments marquants sous cette forme d’écriture : c’est l’irruption du moi. Et le lecteur retrouve ses propres émotions au travers de ma poésie. La lecture n’est-elle pas le but même de l’écriture ? Je pense que l’on retrouve ma musique, mon rythme intérieur dans mon écriture. Je n’ai rien à me prouver, ni à quelqu’un, ni à tous les autres, et à partir de là, on arrive à être soi-même. Bien sûr, pour arriver à cela, il faut se connaître. La poésie est naturelle pour moi. Je reste claire, malgré la complexité de l’existence, dans mon écriture et mes idées.
Il y aura encore d’autres livres de poésies à publier : « Alicante » en espagnol, qui est différent d’« Alicante » en français : mon souhait serait de les fondre en un seul volume.
Et je suis sur plusieurs projets: l’un arrive à terme, avec l’abbé Xavier de Chalendar, dont je suis très proche intellectuellement. C’est un livre autour de l’expérience de l’écoute. Un autre est une biographie, encore en phase de rédaction finale. Et puis deux contes pour enfants et un livre sur l’œuvre picturale d’une grande artiste argentine. Ils seront édités en e-books, bien sûr.
Finalement, je suis toujours en train d’écrire, je me réveille et j’ai des idées dans ma tête. Et cela me vient toujours en français.
Pourquoi êtes-vous partie sur l’e-édition plutôt que sur une traditionnelle édition papier ? Pourquoi UPblisher ?
Je connais beaucoup d’éditeurs, mais je n’ai jamais cru dans le système de l’édition papier, je n’ai jamais voulu être publiée, on est comme enchaîné. Déjà, Jean Tardieu m’avait dit : « ne soyez jamais publiée chez un éditeur en France ! ». Puis, j’ai rencontré Catherine Vaillant, une des fondatrices d’UPblisher. J’ai senti là qu’il y avait la naissance de quelque chose de nouveau dans l’édition : une belle aventure, un esprit, un acte de foi, pourrais-je même ajouter. Je me suis alors dit que c’était l’occasion de cristalliser ma démarche de publication. On est au-delà du mercantilisme habituel des éditeurs, tout en gardant les pieds sur terre. Les nouveaux éditeurs doivent aujourd’hui recréer le lien culturel entre auteurs et lecteurs : le rôle de l’éditeur est de trouver les bons auteurs et les mettre à la portée de leurs lecteurs. On va au-delà de l’impression et de la diffusion.
De surcroît, je suis une convaincue d’internet, de l’e-édition et des e-books. Je dois être une des toutes premières à avoir eu un IBM dans les années 80 ! L’avenir est là, même si les e-books sont déjà une réalité contemporaine. Les progrès de la technique, les systèmes de numérisation, tout cela participe à l’allègement de nos bibliothèques et permet l’accessibilité à un maximum d’œuvres. Avec l’accélération de la mondialisation, de la mobilité, on ne peut plus être encombré exclusivement de publications papier. Même si nous en sommes encore aux prémices, les mentalités vont évoluer de par les nécessités matérielles et surtout par la diffusion auprès des lecteurs. On déplace la lecture. Seulement, la technologie ne doit pas prendre le pouvoir sur la culture, elle doit la servir. »
Retrouvez Hélène Lily Burstin sur son blog : www.lilyburstin.over-blog.com et sur www.artmajeur.com